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♦ Mois de Janvier ♦ Variations 16-18-21-22-23* de la Follia de Corelli Sigiswald Kuijken Enrico Gatti Manfredo Kraemer Stefano Montanari Les écoutes comparées se révèlent souvent cruelles pour les pionniers du mouvement baroque. Son aigre sans émotion, basse continue terne: Sigiswald Kuijken est contraint de s'incliner largement devant ses successeurs, plus italiens! Jamais sa technique n'est mise à mal mais cette Follia si on l'écoute sur la longueur des 24 variations nous paraît bien interminable. Heureusement, il n'en ait rien avec les nouveaux violonistes baroques inspirés de près ou de loin par le père Goebel. Enrico Gatti reste très traditionnel, une basse continue composée uniquement d'un clavecin et violoncelle. Un enregistrement très clair et des instruments parfaitement cernés. Dans son jeu, Gatti respecte scrupuleusement le texte, pas d'ornements ni extravagances ; seulement une progression dramatique appuyée sur l'intensité du jeu et une basse continue de plus en plus marquée. Manfredo Kraemer possède un son moins joli et plus criard que Gatti. Sa basse continue est agrémentée de luth et guitare mais ne peut pas s'empêcher de jouer fort tout du long. Quelques effets permettent une relance entre les variations pourtant, le tempo est suffisamment rapide pour s'en passer. Stefano Montanari a concocté une basse continue tonique qui tranche dans le vif. Cependant, dans les variations plus tristes elle sait aussi se faire plus discrète et chantante. Une progression finale dans un long crescendo parfaitement progressif mais peut-être pas aussi explosif que chez Kraemer. * ce découpage résulte d'un montage de ma part pour atteindre un temps d'écoute limité et pour toucher au sublime des meilleures variations finales.
♦ Mois de Février ♦ Adagio et Staccato et Allegro de la suite n°1 "Water Music" de Handel
Jean-Claude Malgoire Nicholas Mcgegan Jordi Savall Ensemble Zefiro
Sur le choix des versions: Hervé Niquet nous a gratifié d'une version survoltée... que je trouve pour ma part inécoutable. Je me contente de gentilles versions "chambristes" sur instruments anciens. Loin du pompeux de la version Niquet et des lourdeurs des versions modernes, les versions ici proposées sont des illustrations de l'approche la plus répandue dans l'interprétation de cette suite composée par Handel. Ce qui n'empêche pas les déconvenues: Pinnock, Hogwood, ou encore Robert King ont parfaitement raté leur sujet. Malgoire, pourtant pas un fin défricheur, a réussi ici un de ses plus beaux disques tout comme Nicholas Mcgegan. La version Savall et avec celle de Gardiner considérée comme une des meilleures. L'adagio et staccato est l'occasion pour les hautboïstes du monde baroque d'étaler la beauté de leur son ou leur intelligence dans le choix des ornements. En effet, ce mouvement par sa simplicité d'écriture est propice à l'ornementation: trop d'instrumentistes surchargent alors la partition jusqu'à la nausée. A l'époque de l'enregistrement de la version Malgoire, les musiciens n'osaient pas encore prendre trop de liberté avec le texte et c'est tant mieux. Malgré un son peu avenant (si vous cherchez des sonorités rauques et grinçantes tournez-vous vers la version Harnoncourt: l'allegro est terrifiant!), le hautboïste assure sa partie avec le plus bel effet. Les violons se font très discrets et laissent l'accompagnement à un clavecin un peu aigrelet. Celui-ci est encore plus discret chez McGegan où le hautbois, plus rond et plus souple, s'autorise aussi quelques ornementations bienvenues. La prise de son, plus aérée et réverbérée, renforce le caractère chambriste de cette version qui doit être l'une des plus chiches de la discographie concernant l'effectif. Savall adopte un tempo un poil plus lent. Le hautbois est plus subtil et laisse le son se déployer lentement. Celui-ci, plus serré, apporte plus de douceur. Il en va de même pour la version de l'ensemble Zefiro vu que c'est aussi Alfredo Bernardini qui tient la partie de hautbois. Il fait, à peu de choses prés, les mêmes ornements et impose le même tempo. L'allegro, chez Savall, est très coloré, aux couleurs chaudes, ors et paillettes disait un critique. Les cors y vont de bon coeur mais sans accros, précision au rendez-vous. Ceux-ci sont aussi performants chez McGegan mais ils sont cette fois-ci bien discrets et jouent un petit mezzo forte. Tout est joué du bouts des doigts et des lèvres! On entend presque pas les hautbois. Par contre, l'élégance du jeu est manifeste et la beauté des sons est sublime. Loin, très loin peut-être du but initial recherché par Handel mais une parfaite réussite dans le genre. LA version chambriste par excellence. Malgoire ne peut que nous offrir des sonorités peu aguicheuses (violons notamment) et des cors maigrelets et peu voluptueux. L'ensemble des instruments manque de cohérence dans le jeu. L'ensemble Zefiro se démarque par un parfait équilibre entre les parties malgré des cors, assez brouillions, un peu en retrait dans l'espace sonore.
♦ Mois de Mars-Avril ♦ Quoniam tu solus sanctus, extrait de la Messe en Si mineur, de Bach. Leonhardt Brüggen Koopman Jacobs Herreweghe II Oeuvre vocale sacrée par excellence de Bach, la Messe en Si a été fréquemment enregistrée et de manière fort différente. Je n'ai pas sélectionné ici les versions pachydermiques sur instruments modernes ; ceci dit, on constate des optiques musicales très différentes entre ces 5 versions baroqueuses. Entre la douceur de Leonhardt et son tempo languissant et le plein de dynamique de Brüggen, le chef d'oeuvre de Bach étale sa perfection vocale et instrumentale. Concernant, le tempo: Leonhardt est sensiblement le plus lent, Herreweghe et Brüggen adoptent à peu près le même tempo, plus rapide que Leonhardt et enfin Jacobs et Koopman prennent le TGV: il sont les plus rapides. Le traitement instrumental est essentiellement se qui distingue les versions les unes des autres. Les instruments solistes et l'orchestre adoptent une présence minimaliste chez Jacobs (où sont les trompettes???) et une fusion totale avec les voix chez Büggen. On entend distinctement les cordes chez Leonhardt mais les hautbois sont un peu ternes, sourds et nasillards ; les trompettes, quant à elles, sont un peu sèches. C'est Brüggen qui traite avec le plus d'importance l'apport instrumental: écoutez le travail d'articulation des flûtes/hautbois au tout début de l'extrait. Les trompettes, bien présentes, resplendissent et les hautbois apportent une belle rondeur au discours. Chez Herreweghe, les instruments jouent largement plus legato et sur les nuances. Comme toujours: recherche du beau son. Koopman est dans la même vision mais avec des couleurs moins chatoyantes. Le choeur est aussi traité différemment ; différences essentiellement cantonnées aux nuances, aux intonations et attaques. Leonhardt fait attaquer le choeur très doucement et celui-ci chante à un volume sonore réduit durant tout l'extrait: ni crescendo ni attaques incisives. A rebours, Brüggen fait exploser le choeur dès l'entrée sur le "Amen" et s'ensuit un long crescendo sur la fugue jusqu'à l'apothéose finale. Herreweghe instille un chant mezzo-forte sans grande progression sonore tout comme Jacobs voire Koopman.
♦ Mois de Mai ♦ Air des sauvages, extrait des Indes Galantes, de Rameau. Herreweghe Christie Brüggen Minkowski Tempo rapide ou lent? Deux optiques, deux versions pour la défendre à chaque fois. Herreweghe et Christie, lents, font ressortir les flûtes et le clavecin (surtout chez Herreweghe, bien chatouillant!!) qui seul assure la basse maigrelette. Point de rondeur, avec basson et violoncelles, comme chez Brüggen. Non, quelques violons qui se battent en duel et des couleurs en noir et blanc. Assurément, les versions rapides retiennent mieux l'attention. Ca pulse comme on dit... Après, il faut déterminer si on aime le gros son, épais et saturé à la Minkowski ou les couleurs subtilement distillées par Brüggen. Rien d'ostentatoire chez ce monsieur, une élégance bien vivante et entraînante sans fioritures. Son collègue de Grenoble nous martèle la basse à grands coups de timbales et en rajoutant des accents aux violons. Je n'ai jamais prétendu être impartial...
♦ Mois de Juin ♦ Stabat Mater Dolorosa, extrait du Stabat Mater, de Vivaldi. Grâce à l’enregistrement de James Bowman du Stabat Mater de Vivaldi, le monde baroque connaissait deux découvertes. Une vraie voix de contre-ténor et un chef d’œuvre vivaldien. Sur le tempo, la version Alessandrini est la plus lente. De quoi laisser la voix profonde et touchante de Mingardo s’épancher. Cette tessiture et cette couleur apportent au texte un relief particulier. On entend véritablement la complainte de la mère. Une diction peut être pas idéale et des prises d’air peu charmeuses mais une sensibilité à fleur de peau. Que d’émotion ! Si l’on revient à la version Bowman, on trouve les couleurs agressives, criardes. On regrette l’ambiance feutrée et les couleurs tamisées. Un certain manque de contrastes et de liberté empêche l’émotion de s’installer. Après cette première version authentique, la version Scholl a fait figure de nouvelle référence. Accompagné par l’ensemble 415, Scholl adopte un tempo assez rapide pour un « largo ». L’orgue positif est assez présent mais assure une belle basse. Cette version est peut-être un peu démonstrative pour ce qui doit être un recueillement empreint d'une douleur éternelle... Sur le même tempo, Carlos Mena, trop chichement accompagné par le Ricercar Consort, fait preuve d'une voix plus intériorisée, moins brillante et finalement plus touchante. Il faut écouter ce doux vibrato et ces ornements discrets pour apprécier la grâce de cette version.
♦ Mois de Juillet ♦ Cantate "Cessate, omai Cessate", de Vivaldi. Dans le récitatif, l'Ensemble 415 qui accompagne Scholl nous gratifie d'une basse continue bruyante et mécanique. Mingardo est aussi accompagnée par un clavecin mais autrement plus discret. La réussite instrumentale dans ce passage incombe au Seminario Musicale conduit par Biondi. Ce même accompagnement est d'une catastrophe sans nom dans la suite: violons grinçants et sans ampleur. L'ensemble 415 est plus fourni, rapprochant ainsi cette cantate d'un mini opéra (ce qui correspond somme toute aux paroles) qu'à une cantate de chambre intimiste. Toujours dans ce passage rapide, c'est le Concerto Italiano qui n'y va pas de main morte mais quel tonus! Concernant les voix, celle de Mingardo apparaît un peu voilée mais avec une belle présence, très théâtrale. De même, Scholl avec une voix plus adaptée à ce genre de musique nous déroule une vraie déclamation théâtrale. Lesne s'en rapproche mais avec d'autres moyens vocaux qui ne sont, hélas, pas aussi étendus... La partie instrumentale de la version Ragin est sobre et bien menée, le chanteur est relativement neutre mais assure brillamment sa partie. Rien de très engagé... Site optimisé pour Mozilla Firefox avec une résolution de 1024*768. R.Gibert 2007.
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